Swissmill, entreprise fondée en 1843, est la plus grande minoterie de Suisse. Dans l’exploitation au bord de la Limmat, on ne cesse de construire, rénover et renouveler, et ce sans interrompre la production. En effet, les interruptions doivent être réduites au minimum. Cela représente un défi pour tout le monde, mais c’est ce qui permet de garder la forme. Ainsi, la rénovation progressive du moulin a démarré à l’automne 2021. La rénovation des lignes à blé tendre A et B avec leurs 36 cylindres s’est terminée à la mi-août. Le moulin A produit essentiellement des farines standard, tandis que le moulin B fabrique surtout des produits labellisés.

Monsieur Künzle, vous êtes ingénieur mécanique et responsable technique chez Swissmill. Quels sont les avantages des nouveaux cylindres Diorit MDDY de Bühler? 
Simon Künzle: Outre le nouveau mécanisme perfectionné, les avantages concernent la sécurité du produit, l’hygiène et la sécurité du travail. La «conception hygiénique» adoptée empêche les impuretés d’entrer dans le cylindre, les machines sont plus faciles à nettoyer et les pièces se remplacent de manière sûre et rapide. Les capotes refermables empêchent les interventions indésirables. Beaucoup de choses se règlent via le panneau de commande. La transmission par engrenage avec bain d’huile a été remplacée par une transmission par engrenage à sec, ce qui améliore aussi la sécurité du produit.

Dans quelle mesure les nouveaux cylindres sont-ils «davantage numériques»? Et qu’est-ce que cela signifie pour les meuniers et meunières?  
La nouveauté est que les cylindres peuvent être utilisés et contrôlés via différents appareils grâce au serveur web intégré: par le pilotage de la machine dans la salle de contrôle, sans fil par smartphone et tablette ainsi qu’à l’aide de l’écran tactile du cylindre. Ce changement a reçu différentes réactions. Certaines procédures de travail ont dû être adaptées, mais la présentation et l’explication des nouvelles possibilités ont été utiles. Ainsi, le scepticisme du départ laisse la place au plaisir du confort accru par l’utilisation flexible. Ceci est très important car, curieusement, les machines qui sont utilisées sans plaisir tombent plus souvent en panne. 

Mais nos cylindres sont volontairement dépourvus d’écartement de broyage automatique. Nous avons d’excellents meuniers avec beaucoup d’expérience, de savoir-faire et de passion et nous travaillons sur de longues périodes de broyage à la journée. L’automatisation n’est guère utile. La situation est différente dans les pays qui manquent de main-d’œuvre qualifiée ou qui réalisent souvent des changements de produits.

De nombreuses autres nouveautés sont associées à la modernisation des deux moulins à blé tendre.
En effet, elles ont eu lieu en étroite collaboration avec toutes les personnes impliquées de la production, la mécanique, l’électricité et l’automatisation. Ainsi, le nouveau système de gestion «Mercury» remplace le système précédent «WinCoS Version2». Il englobe toute la minoterie avec ses plus de 1000 machines et installations. De plus, les deux lignes de nettoyage du blé tendre sont équipées de la toute dernière trieuse optique de Bühler. Les trieuses de couleur Sortex existantes sont remplacées par deux «Sortex H». 

Avant même les différentes étapes de rénovation, les 72 mécanismes de commande des deux moulins à blé tendre ont reçu des moteurs éco-énergétiques avec une fixation spécialement conçue. Cela permet un remplacement simple et rapide. En outre, les installations électriques (comme la répartition électrique et les alimentations) ont été entièrement rénovées. Même les interruptions de production pendant la rénovation ont été utilisées pour restaurer en profondeur les douze plansichters MPAD des moulins à blé tendre et ainsi prolonger leur durée de vie. Pour une question de temps et de technologie, leur remplacement n’aurait pas été faisable. Pour finir, le diagramme du moulin a été adapté aux conditions actuelles.

C’est incroyable que tous ces travaux aient eu lieu pendant la production. Pour vous, quel était le moment phare? 
Ce qui m’a le plus impressionné, c’est l’engagement et la cohésion de toutes les personnes impliquées. C’est ce qui nous a permis d’aller jusqu’au bout sans incident malgré les conditions difficiles. Je me réjouis aussi bien sûr que nous soyons les premiers à posséder la toute nouvelle version des cylindres Diorit produits en Suisse par Bühler. C’était important pour nous. Il y a eu quelques défauts de jeunesse, mais ils sont déjà presque tous corrigés aujourd’hui.

Monsieur Bolay, en tant que successeur de Raimund Eigenmann, vous êtes responsable général de la production et de la technique. Le personnel y joue un rôle important. De quoi vous réjouissez-vous? 
Antoine Bolay: L’identification de notre personnel est très bonne. Les anciens meuniers ont l’habitude d’adopter régulièrement des changements technologiques. Cela prend parfois un peu de temps, mais c’est crucial. Si les collaborateurs voient qu’ils peuvent apporter leur contribution, ils soumettent de très nombreuses idées. Les jeunes aussi jouent le jeu; c’est à la fois positif et satisfaisant.

La rénovation échelonnée des deux lignes à blé tendre en dix mois a été très exigeante pour la production. Vous avez donc profité de cet élan pour renouveler en plus le moulin à blé dur? 
En effet, nous avons de toute façon profité de cette expérience dans la conception et le remplacement des 14 cylindres à blé dur datant de 1999. Dès fin septembre, les quatre derniers nouveaux cylindres à blé dur ont été mis en service après trois étapes de rénovation. Les plansichters ont également été rénovés et l’ensemble de l’électronique remise à neuf. Par contre, les nouveaux moteurs éco-énergétiques subissent des retards de livraison. Le nettoyage des céréales inclut désormais deux nouvelles meuleuses de Bühler. Cela nous permet d’améliorer la performance du broyage de près de 10%, car les grains de blé dur arrivent au moulin sans leur enveloppe.

D’autres projets de construction sont en préparation dans le cadre du nouveau plan directeur. Ça n’arrête pas! 
Oui, en déplaçant l’administration, le laboratoire, l’assurance qualité et la boulangerie expérimentale du Sihlquai 306 aux deux bâtiments voisins de Coop en 2023, des espaces sont libérés. Nous pouvons ainsi décongestionner les halles de production où l’espace est restreint, réserver les espaces à la production et ainsi renforcer les tendances comme l’assortiment d’avoine ou labellisé.

La production a fonctionné à plein régime, d’abord à cause de la pandémie, puis en raison des rénovations du moulin. Quel est votre bilan? 
Toutes les personnes de mon service, de A à Z, méritent des remerciements pour leur incroyable engagement. La rénovation du moulin fait notre joie. C’est magnifique que nous puissions investir dans la prochaine génération de moulin mais aussi planifier et travailler en nous tournant vers l’avenir. Au final, cela ne se limite pas à de nouveaux cylindres. Il est question de développements techniques incessants, de collaborateurs et de développement d’équipe. Maintenant que les moulins sont à la pointe de la technologie, il est important pour mes équipes de retrouver un peu de calme à la production. Il faut un certain équilibre pour pouvoir jongler entre routine et processus, sans pour autant remettre les projets à plus tard jusqu’à ce que les machines ou installations tombent un jour en panne. 

La transition générationnelle au niveau du personnel est aussi importante que la transition générationnelle dans le domaine technique. Nous nous sommes donc attelés à renforcer nos équipes avec de nouvelles compétences et à embaucher de nouveaux meuniers.

Qu’est-ce qui est important pour vous en matière de direction? 
J’essaie toujours de donner la priorité à l’image globale et de considérer les intérêts. Je ne peux pas me contenter d’une seule perspective. Je dois essayer d’intégrer le point de vue de mes collaborateurs et celui de la direction et d’agir dans ce contexte. Je dois savoir depuis quelle perspective je parle et j’agis. Si j’explique par exemple de manière crédible les différents postes dans un entretien avec des collaborateurs, cela donnera naissance à des solutions et à une bonne coopération. 

Dans le domaine de la production et de la technique, nous combinons beaucoup de compétences avec 60 personnes, et nous avons encore de la marge de manœuvre. Il est utile que la production profite d’un mélange de talents et d’expériences les plus variés, et que les collaborateurs puissent appliquer leur savoir-faire et participer avec enthousiasme. En tant que production générale, je pense que nous devons mener une réflexion et des actions globales, nous soutenir mutuellement et bien intégrer aussi les jeunes avec leurs atouts.